Retrouvez un nouveau texte où se mêlent souvenirs d'enfance et légende urbaine.
La cave
Extrait:
Fait divers ou légende
urbaine, l’histoire qui va se dérouler sous vos yeux curieux et
incrédules relève peut-être de ces deux catégories. Qui peut le
dire ? Elle se raconte depuis tellement longtemps, depuis tant
de générations d’enfants que nul ne sait plus s’il convient
d’évoquer une invention d’un esprit fécond ou une réalité
transmise par un parent soucieux de protéger sa progéniture.
Remontons dans le temps.
Nous sommes en mille
neuf cent soixante-neuf. Les Romantier habitent dans un pavillon
récemment construit. C’est le premier d’une série d’autres
qui sortiront prochainement de terre à proximité des deux
exploitations agricoles du hameau. Voilà pour la description de
l’environnement extérieur. Si nous resserrons un peu le cadre,
nous pénétrons dans l’intimité de ce couple et leurs enfants
installés autour d’une table en formica gris dans une cuisine aux
murs de plâtre impersonnels. Le père et la mère placés à
l’extrémité la moins large se font face. Les deux garçons de
sept et neuf ans sont assis en vis-à-vis sur la longueur et se
chamaillent bruyamment.
— Félix, laisse
Martin tranquille ! lance le chef de famille. Je ne te le
répéterai pas deux fois.
— Oui, mais c’est
lui qui m’embête avec ses grimaces.
— Et arrête de
répondre.
— Mais…
— Sors de table
et file dans ta chambre. Et toi, Martin, va chercher une bouteille
d’eau à la cave.
Le cadet s’exécute
sans broncher, car il sait que son père possède la main lourde. Une
gifle pourrait, sans contexte, faire office de prochaine réplique de
son géniteur peu enclin à la patience. Quant à Martin, il ne
réagit pas. Prostré sur sa chaise, il espère que sa mère vienne à
sa rescousse en descendant au sous-sol pour rapporter le précieux
breuvage. Mais celle-ci se contente de signifier à son mari que leur
aîné est terrorisé à l’idée de devoir se rendre dans les
entrailles de la maison. « Ce sont des bêtises de gamin. »
Et il réitère son ordre qui ne supporte aucune contestation.
« Martin, la bouteille ! »